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Bible-06-1R19,8-13-Pourquoi es-tu ici Élie ?

Élie était resté sur l'image de la puissance de Dieu au Carmel, face au silence du Baal.
Il ne s'attendait pas, après le détour à l'étrange,  à rencontrer Dieu dans le silence de l'Horeb.

1- La parole de Dieu, parole aux frontières

Élie au Carmel (détail1)

Élie au Carmel

Dans le cycle d’Élie, quatre territoires sont délimités : l’au-delà du Jourdain à l’Est, le royaume de Sidon au Nord, le désert au Sud et Israël au centre. Les « frontières » entre ces territoires géographiques sont relativisées pour devenir symboliques d’une révélation. Chacun des quatre territoires connaît en effet une manifestation de YHWH à Élie sur un lieu élevé (chambre, montagne, ciel). YHWH agit et se manifeste donc au-delà du seul territoire d’Israël.

De même pour le signe de l’eau. L’étranger et Israël sont concernés par la question de l’eau. Israël, avant le don de la pluie, tend même à s’apparenter au désert situé à l’étranger. Ce n’est que par le don divin de la pluie qu’Israël redevient une terre fertile où peut croître la vigne. Les limites géographiques de l’étranger situé au-delà du territoire d’Israël se trouvent relativisées essentiellement par l’action de YHWH lui-même. Son prophète se trouve protégé à l’étranger. YHWH lui-même s’y manifeste au Kerit, à Sarepta, à l’Horeb et pour l’enlèvement d’Élie au-delà du Jourdain. Le territoire « où ruisselle le lait et le miel » peut même devenir, par l’absence de pluie, semblable au désert qui s’ouvre au-delà de Beersheba.

 

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Élie au désert

Élie au désert

Si l’espace situé à l’étranger est ainsi valorisé et si le territoire d’Israël n’est plus sûr pour Élie et les prophètes de YHWH, c’est donc qu’un bouleversement est intervenu dans la manière d’appréhender les frontières. Il apparaît en effet que pour le narrateur prime avant tout un autre type de « frontière » : celle qui sépare ceux qui reconnaissent YHWH de ceux qui adorent les idoles. L’étrangère de Sarepta, qui ne connaît pas YHWH, accueille pourtant son prophète : elle est sauvée avec son fils. À l’inverse, l’étrangère Jézabel (jeu de mot péjoratif : la mouche de Baal) qui impose le culte de Baal et massacre les prophètes de YHWH, meurt dans d’atroces conditions ainsi que son fils Akhazias dans la chambre haute : « le lit sur lequel tu es monté, tu n’en descendras pas, car tu mourras certainement. » (2R 1, 4.16).
L’enjeu est donc de retourner aux sources de l’alliance qui se situent à l’étranger. Élie est fait étranger afin que comme lors de l’Exode, YHWH « constitue (Israël) aujourd’hui comme son peuple (…) comme il l’avait juré à (ses) pères Abraham, Isaac et Jacob » (Dt 19,12). Cette expérience d’Élie est celle, prophétique,  du « silence de Dieu » dans laquelle le croyant est invité à intérioriser la foi des Pères actualisée : la même autrement.  Dans l’expérience même de l’Israël du désert, est première l’alliance avec YHWH, son attachement à Lui, avant même l’entrée sur la terre donnée par YHWH. C’est une réalité fondamentale qu’Élie lui-même expérimente au travers de ses déplacements à l’étranger et tout particulièrement de son exil à l’Horeb. Yahvé était devenu l’étranger sur sa terre. Par Élie, il se révèle de nouveau mais autrement, comme celui qui donne la terre. Le parallèle Élisée / Josué est très éclairant sur ce point.

Texte : D'après J. Riaud, La figure de l'étranger dans la Bible et ses lectures.


 

 

2- Comment l'Église lit-elle les Écritures ?

Exil… Le prophète

Élie

Élie

Ce qui fonde le prophétisme d'Élie c'est l'expérience dans sa propre chair de ce déchirement qui le fait naître à lui-même en même temps qu'à son Seigneur  comme le peuple est invité à le faire : "O Dieu, nos pères nous ont raconté l'œuvre que tu fis de leurs jours... Et pourtant, tu nous as rejetés et bafoués, tu ne sors plus avec nos armées, tu nous fais reculer devant l'adversaire, nos ennemis ont pillé à cœur joie." Ps 44

Bien des psaumes expriment le retournement de situation vécu par le peuple de la Bible au moment où s'imposent les grandes puissances politiques. En effet, entre le VIIe siècle av. J.-C. et le Ier siècle ap. J.-C., les invasions déferlent les unes après les autres sur le bout du croissant fertile. Le peuple de la Bible entre dans le chaos. Cette longue période, que nous appelons l'Exil, recouvre en fait une suite de défaites et plusieurs déportations.
Rappelons-nous... Les tribus semi-nomades, venues du désert se sont lentement installées en Canaan. Elles ont partagé leur credo avec des tribus autochtones en rupture avec le système cananéen. Ensemble, elles ont appris à mettre leur foi en YHWH, ce Dieu compagnon qui a pris soin d'elles, leur assurant toujours la victoire; les infidélités elles-mêmes ont été l'occasion de découvrir le pardon de Dieu.
Ce petit peuple a, en quelque sorte, tout reçu de YHWH: victoires, terres, le fait même d'être un peuple avec bientôt un roi, et surtout, une manière de vivre et de célébrer particulière. Mais voilà que, plus l'histoire avance, plus la guerre, au lieu de souder les royaumes frères - Israël au Nord, Juda au sud -  désintègre au contraire les liens et affaiblit la foi. Dans ce réveil des grands empires, le peuple de l'Exode n'est plus qu'un pion sur l'échiquier international... Pour ne pas être anéanti, il va faire des alliances politiques et accepter les conditions des grands. Comment la foi en YHWH peut-elle encore trouver sa place dans un tel contexte ? Des prophètes vont, avec force et lucidité, annoncer le malheur qui se profile à l'horizon. Incompris, souvent seuls car rejetés, ils appellent à rester fidèle à Dieu, même dans la défaite. Ce sont eux qui permettront à la foi de tenir en se creusant. Dieu aime son peuple depuis toujours et pour toujours. C'est à cette source, dont la profondeur se découvre peu à peu, qu'il faut revenir et à laquelle il faut puiser.

Les Seuils de la Foi, entrer dans la foi avec la Bible.  (éd. Parole et Silence 2009)

Exil… Du "mémorial" au "silence"
 

Mémorial
Garder sa mémoire, pour Israël, c'est garder vivante la présence de son Créateur. Derrière des souvenirs, c'est une présence qu'il faut écouter et recevoir comme si on était encore sur la montagne. Israël tient sa mémoire d'un Autre : et ce retour à la Loi le suscite encore aujourd'hui. Il est en exode permanent: il n'a jamais fini de sortir d'esclavage, d'écouter son Dieu, de conquérir sa terre, d'être relevé de son péché, de devenir ce qu'il est. La révélation fait craquer l'histoire, comme s'il y avait dans le temps plus que le temps seul. Israël vit dans le temps, mais il n'est pas la simple résultante de ce qui arrive: il est suspendu à la Parole éternelle qui lui ouvre des chemins inconnus. "Écoute Israël !"

Silence

Élie à l'Horeb

Élie à l'Horeb

Soudain, les événements se retournent et les grands signes de l'Alliance se vident de toute réalité: plus de terre, plus de roi, plus de temple, les élites dispersées, martyrisées. Nés grâce à Dieu, notre fidélité nous gardait sur le chemin de la vie; voilà, à présent que cette même fidélité nous amène aux portes de la mort. Pourtant nous ne pouvons rayer notre passé de notre mémoire: nous ne pouvons plus retourner en arrière dans les terres païennes. Or Israël voit ses jours en péril sans que Dieu ne lui réponde et il ne peut se réfugier dans l'anonymat de la nuit sans que Dieu ne le tienne en éveil : "Mon Dieu, le jour j'appelle, et tu ne réponds pas, la nuit point de silence pour moi."(Ps 22) Israël va au désastre sans que Dieu dise pourquoi. Dieu est cet Autre qui nous révèle avec ce que nous ressentons comme une brutalité,  son refus de correspondre à notre désir, fût-il adossé aux miracles d'autrefois. Pour Élie, ce sera du Carmel à l'Horeb qu'il y a tout le chemin du silence : Dieu ne va plus parler par les prodiges de l'Exode, mais dans l'invitation discrète faite à son peuple éprouvé. Nous approchons du mystère d'un Dieu de plus en plus intérieur.

d’après Les Seuils de la Foi, Ressources théologiques et philosophiques. Jean Marie Beaurent (éd. Parole et Silence 2009)

3- 1 Rois 19, 8-13 "Pourquoi es-tu ici, Élie ?"

 (Traduction TOB)  Questionnement Correspondances

8 Élie se leva, il mangea et but puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu'à la montagne de Dieu, l'Horeb.

-Pourquoi ce chiffre symbolique ?
-Pourquoi aller à l'Horeb en traversant toute la Palestine, au lieu d'aller dans un pays voisin: Damas ou le Liban ?
-Il rappelle les 40 ans passés dans le désert par le peuple de Dieu (Nb 14,33), ainsi que le séjour de Moïse sur la montagne (Ex 24,18).
-En allant à Beersheba et l'Horeb, il retourne à la source fondatrice.

9 Il arriva là, à la caverne, et y passa la nuit. - La parole du Seigneur lui fut adressée : "Pourquoi es-tu ici, Élie ?" - .

- Quelle "caverne " ?
- Parole surprenante, en forme de provocation.
- La caverne précisément désignée par la tradition : celle où l'on pensait que Moïse avait séjourné. (Ex 33, 21-23)
- La même question est reprise en finale de la péricope.

10 Il répondit : "Je suis rempli de zèle pour le Seigneur, le Dieu de l'univers: les fils d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l'épée; je suis resté moi seul, et l'on cherche à m'enlever la vie." -

-"Le Seigneur" est bizarrement évoqué à la 3ème personne dans un contexte de dialogue en "tu".
-Élie donne bien l'explication de son exil-fuite au désert: il y va de son existence même de prophète.
- On peut bien sûr l'expliquer par une césure rédactionnelle... mais il y a plus.
- Pas de distance entre l'être du prophète et sa mission.

11 Le Seigneur dit : "Sors et tiens-toi sur la montagne, devant le Seigneur ; voici, le Seigneur va passer."

- Même curiosité rédactionnelle: c'est le Seigneur qui parle de lui-même à la 3ème personne.
- Paradoxe du "sors !" Tout invite au contraire Élie à se cacher et à rester dans la caverne.
- La 3ème personne permet de manifester une distance : de soi à l'autre, de soi à soi.
- On retrouve le "détour" de Moïse à l'Horeb, pour le buisson ardent. Quitter le chemin coutumier serait une condition de la rencontre de Dieu.

Il y eut devant le Seigneur, un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers; le Seigneur n'était pas dans le vent.

-Première image apocalyptique brutalement relativisée : quelle idole est ici visée ? Les hiérophanies  du Baal ou Le Sinaï, le Carmel ? - Image de la puissance immatérielle du souffle. Quel esprit nous habite dans notre mission ? La puissance magique ou l’Esprit ?

Après le vent, il y eut un tremblement de terre; le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre.

-Seconde image aussi fortement contestée. - Puissance matérielle cosmique comme signe de la présence divine dans les religions traditionnelles.

12 Après le tremblement de terre, il y eut un feu; le Seigneur n'était pas dans le feu.

-Troisième image-idole. - Puissance lumineuse, synthèse des deux précédentes. Comme si le prophétisme contestait justement ce à quoi on attribue habituellement de l'importance.

Et après le feu une voix de fin silence.

- Expression bizarre: littéralement le bruit d'un silence ténu, "la voix d'un fin silence" (Lévinas). Comment concilier "silence" et "bruit" ? - La Tob suggère que ce silence ne devait pas être moins redoutable pour Élie que le vent, le tremblement de terre ou le feu !

13 Alors, en l'entendant, Elie se voila le visage avec son manteau; il sortit et se tint à l'entrée de la caverne. Une voix s'adressa à lui : "Pourquoi es-tu ici, Élie ?"

- Comment entendre le silence ?
- Pourquoi ce silence est-il significatif de la visite divine annoncée ?
- Pourquoi ce redoublement de la question initiale ?
- Entendre le silence évoquerait une expérience mystique, bien différente de la hiérophanie tonitruante du Carmel. Le bruit n’est pas la parole.
- Comme si les mêmes mots n’avaient plus le même sens :  que fais-tu ici ?

Révélation, message de foi :

  1. Élie fuit au désert. Il part en exil. Tous ses repères sont perdus. Il vient de demander la mort. La réponse de Dieu "une galette cuite et de l'eau" ! Il peut marcher "quarante jours et quarante nuits " mais c'est pour atteindre la montagne de Dieu. Dans cette solitude il est avec le peuple, avec Moïse.
  2. "Pourquoi es-tu ici ?" Comme si Dieu l'ignorait, comme si ce n'était pas évident ! Voilà bien une question rhétorique comme disent les littéraires ! Mais en définitive, y a-t-il une autre question qui vaille ? Qu'est-ce que je fais-là ? Pourquoi suis-je ici ? C'est la question vitale par excellence : celle du sens définitif de la vie. Quel esprit me mène ? Même si j'évacue la question, je ne peux éluder la réponse pratique que je lui donne : il suffit de me regarder vivre. Le premier choix d'Élie est le repli sur lui dans sa caverne comme un retour au sein maternel, dans la nuit qui précède la naissance ou la mort.
  3. Alors, tout sort comme un trop-plein, une plainte, presque un reproche. Mais aussi, du fait de la répétition mot à mot, quelques versets plus bas, comme une ritournelle. D'ailleurs cette réponse semble s'adresser à un être distant, comme un étranger, en tout cas un interlocuteur mis à distance, à la troisième personne.
  4. Si bien qu'au lieu de sortir de la caverne, selon l'invitation de Dieu : "Sors et tiens-toi sur la montagne", Élie semble au contraire se replier sur lui-même au rythme même où par trois fois il avoue ne pas reconnaître son Seigneur. Il lui faudra aller à la frontière, quitter ce refuge.
    Ici le paradoxe va crescendo puisque ce sont les figures mêmes de l'expérience exodale, ses « repères »,  qui sont tour à tour récusées,  celles dans lesquelles Dieu avait manifesté sa puissance du temps de Moïse, du temps du Sinaï : l'ouragan, le tremblement de terre et le feu.
  5. Ce dernier signe, celui du feu, renvoie directement à cette théophanie du Carmel (Kerem-El : vigne du Seigneur) dans laquelle Élie a engagé toute son énergie, toute sa foi de prophète de YHWH contre Jézabel et les prophètes du Baal. Impossible en effet pour Élie d'ignorer la vanité, la vacuité de ce grand signe : "les fils d'Israël ont abandonné ton alliance". C'est cet amer constat d'échec qui l'a jeté sur le chemin de l'exil et l'a conduit à demander la mort dans le désert. Alors non, le Seigneur n'est pas dans le feu !
    "Et après le feu, la voix d'un fin silence". Le Seigneur ne manque pas d'humour : n'est-ce pas ce silence du Baal dont il s'était moqué devant tout le peuple au Carmel ? Quelle révélation aujourd'hui, en ce lieu mosaïque ! Se peut-il que ce Dieu sans voix, comme moi réduit au silence, soit le même que celui de Moïse ? Se peut-il même, que pour le trouver, il faille aller au-delà des frontières connues ? Pas de doute, "c'est bien le Seigneur", mais autrement ! Il peut sortir, mais en "se voilant le visage".
  6. Du coup, la même question à laquelle il donne la même réponse n'a plus du tout le même sens : Pourquoi es-tu ici Élie ? Un nouveau prophète est né, du même Seigneur et pourtant tout autre : "Va, reprends ton chemin en direction du désert de Damas", tu ne parleras plus de moi de la même manière.

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La fidélité à la foi reçue d'Abraham, d'Isaac, de Jacob et de Moïse fonde l'assurance prophétique d'Élie et de sa mission. C'est avec cette assurance qu'il prie Dieu d'embraser l'autel du Carmel et c'est avec assurance qu'il liquide les prophètes du Baal figures de ses propres démons intérieurs. Résultat : les fils d'Israël abandonnent l'alliance et Élie entre en crise. Il part en exil au désert où l'angoisse le plaque au sol et il demande la mort ! Et si le faux prophète c'était lui ! La naissance du vrai prophète ne peut faire l'économie de l'épreuve qui a un goût de mort : épreuve du doute, de la faim et de la soif, épreuve de la mort du fils de la veuve de Sarepta, épreuve de l'exil. Ce sont ces épreuves qui le ramènent à ses limites, à ses frontières, à sa source, là où tout s'est joué, et peut se jouer encore : au-delà de Beersheva où il laisse son serviteur, jusqu'à la montagne de Dieu, l'Horeb où Moïse s'était tenu. Lui se recroqueville dans la caverne malgré l'invitation divine : sors ! Et c'est là qu'il découvre le Tout Autre. Dieu n'est pas Celui qu'il croyait, Celui du Sinaï, Celui du Carmel. Il peut sortir, c'est à dire naître et vivre avec son Seigneur puisque, comme la sienne, sa Parole est devenue la voix d'un fin silence. Ce nouveau seuil de sa foi fonde sa mission nouvelle : la toute-puissance du Seigneur se découvre dans sa faiblesse silencieuse. Il peut aller et faire de même.

4- Ouverture à la Parole biblique comme chemin de croissance.

Une école catho aux frontières...

Ce serait donc :

  1. Une école qui accompagne les crises des grands comme des petits.
  2. Une école qui n'élude pas les vraies questions par de fausses sécurités.
  3. Une école non violente, douce et ferme à la fois.
  4. Une école qui ose le silence habité sans lequel il n'existe pas de parole vraie.
  5. Une école qui fournisse les clés pour discerner les faux prophètes.

 

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